La bote de Clairac

Clairac, sa bote et son rosier…
Non, il n’y a pas de faute d’orthographe, il s’agit bien d’une bote, pas une botte…

Il y quelque années, Claude Martin nous avait confié deux plaques de verre photographique montrant une foule nombreuse place Viçose et dans les rues de Clairac.

Cavalcade_1907_(CMO_phc).jpg
img_mag_Cavalcade_1907_(CMO_phc).jpg

« C’était à l’occasion d’une bote, oui, une fête de quartier si vous préférez ».
Mais nul livre, nul dictionnaire ne donnait l’explication de ce mot inconnu...
Récemment un document rare permit d’en trouver la clef : un manuscrit joliment calligraphié des années 1900 : « La Bôto dé la Pâouso », ou « La bote de La Pause ».

La_Boto_de_la_Paouso_(CM)_1.jpg
img_mag_La_Boto_de_la_Paouso_(CM)_1.jpg

Grâce à un échange avec Alain Paraillous, l’évidence sautait aux yeux : dans notre patois, comme en occitan ou en castillan, le V se prononce souvent B. Le lieu-dit Bireboy s’écrivait autrefois indifféremment Villeboy ou Villaboy, ou Bireboy. Les botes de Clairac étaient des fêtes votives, et en l’occurrence, la fête de la Pentecôte, au cours de laquelle était couronné le rosier de Clairac. Et dans ce document, il s’agit de la fête du quartier de La Pause.
Plongeons-nous dans L’Express du MidiExtrait de l’Express du Midi du 26 mai 1904
, quotidien publié à Toulouse, en date du 26 mai 1904 :
« Voici le programme de la fête votive du dimanche 29 mai, à l’occasion de la distribution du prix de vertu :
Samedi 28 mai, à 9 heures du soir, grande retraite aux flambeaux ; salves d’artillerie.
Dimanche 29 mai, à 5 heures du matin, salves d’artillerie annonçant la fête ; de 2 heures à 3 heures 30 du soir, place Serres, jeux divers  ution solennelle du prix de vertu. Une quête en faveur des pauvres sera faite pendant cette distribution.
À 4 h. 30, grande course aux ânes et ânesses de tout âge et de toute provenance, appartenant depuis un mois au moins à des propriétaires résidant dans le département de Lot-et-Garonne. Les engagements sont reçus chez M. Cazenobes, starter des courses, jusqu’au 29 mai, à 10 heures du matin.
À 9 heures du soir, illumination a giorno ; à 10 heures du soir, ascension du balon le Santos Dumont n°100. »

Le fameux prix de vertu avait été créé par Guy de Viçose (1768-1815), tel que décrit dans son testament : « je donne et lègue une somme de 8 000 francs à la commune de Clairac (…) employés à donner un prix (…) soit en argent monnayé, soit sous forme de médaille, de couronne, etc., à l’homme non marié, de l’âge de 20 à 30 ans, qui paraîtra le plus digne par ses bonnes mœurs, par son assiduité au travail et particulièrement par ses soins envers ses parents vieux ou infirmes, homme pris exclusivement parmi les habitants de la commune de Clairac. Ce prix sera distribué chaque année au mois de mai, un jour de fête ».
Qui n’a pas lu Le rosier de Madame Husson (Maupassant), ou vu les films éponymes avec Fernandel ou Bourvil ? Et bien à Clairac, nous avions désormais « Le rosier de Monsieur de Viçose »… En 1819, Étienne Massias, fut le premier et Patrick Chabrières le dernier en 1978, comme en témoigne un article de Sud-OuestExtrait de Sud-Ouest du 27 août 1994
. En 1894, Pierre BourgueilExtrait de Sud-Ouest du 27 août 1994
créa un prix de vertu destiné à récompenser une jeune fille, reconnue vertueuse, travaillant et prenant soin de ses parents ; la dernière, également en 1978, fut Martine Miraben.

Ce qui nous frappe dans les photos, est le monde réuni sur la place Viçose et dans les rues : heureuse époque où les fêtes villageoises étaient une véritable attraction qui, souvent, attirait tous ceux qui, dans le canton, souhaitaient passer une belle journée. Sur l’une d’elles, la banderole « Honneur à la vertu » barre l’avenue de la Gare, tandis que l’une des voitures décorées s’appelle « Moulin de Sans Souci ».

Cavalcade_rosier_Girou_(CMO_phc).jpg
img_mag_Cavalcade_rosier_Girou_(CMO_phc).jpg

Tous les Clairacais ont mis leur plus beau panama, et les enfants leur col marin.

Sur une autre, une joyeuse cavalcade s’éloigne de la place Viçose pour se diriger vers la place Serres, en empruntant la rue du Puits, aujourd'hui Jean-Jaurès.

Place_Vicose_2_plaque_Martin_(CMO_phc).jpg
img_mag_Place_Vicose_2_plaque_Martin_(CMO_phc).jpg

Pour sourire, parcourons ces quelques lignes de Fernand de Lados dans Le Véloce du 3 mai 1885 : « Il existe en France quelques rares communes qui ont le privilège très enviable sans doute, mais, hélas ! de nos jours peu envié, de posséder une certaine quantité de jeunes rosiers. De ce nombre, et au premier rang, est incontestablement la petite commune de Clairac. (…) Léopold Feret, le lauréat de 1884, devait assurément être bien digne de l’honneur insigne qui lui a été fait puisqu’il l’a emporté cette année sur 124 candidats au prix de vertu. »
Redonnons la parole à L’Express du MidiExtrait de l’Express du Midi du 5 mai 1910
du 5 mai 1910 pour clore cet Insolite :
« Le conseil municipal, réuni en séance extraordinaire dimanche dernier avait à désigner, pour cette année, l’heureux bénéficiaire du « Prix de vertu ». C’est M. Alix Vergnes, cultivateur, qui a été désigné à la presque unanimité des suffrages. À titre documentaire, nous devons dire qu’en 1910 ce prix dépasse la somme de mille francs. La cérémonie du couronnement se fera, comme d’habitude, le lundi de la Pentecôte, sur la place Viçose. »

Pour finir, les premières lignes de notre long poème en patois :
« La Bôto dé la Pâouso
Plaço Biçose – Quate oros daou sey
Aça ! mais qu’es aquos ? Mé séri doun trumpat ?
Crésèbi qu’éro anet la Bôto dé la Pâouso !
Et nou bési digun enquèro d’arribat !
D’un semblable rétar qué diable séré caouso ?
 »
Et la traduction complète en téléchargement !