Les questions ne manquent pas : qui, quand, pourquoi ? Seul indice pour identifier le peintre, ses initiales : « L. L. ». Pour la date, le peintre l’a mentionnée près de son autographe : 1896. Mais pour qui et pour quelles raisons ? Notre artiste l’a-t-il réalisée pour lui, a-t-il répondu à une commande ? Peut-être pour un Clairacais qui, devant partir à Toulouse, souhaitait conserver avec lui un souvenir de son village ? À ce jour, nul ne peut le dire.
L’examen de la toile nous révèle toutefois plusieurs choses : d’abord, le style que l’on peut dire « naïf » sans le dévaloriser pour autant ; aujourd’hui, plusieurs musées rassemblent les œuvres de ces artistes que l’on a pu qualifier de « peintres du dimanche », ceux pour qui l’expression artistique passait par une expression spontanée s’affranchissant des heures d’apprentissage dans un atelier, auprès d’un maître. Tout le monde connaît aujourd’hui le Douanier Rousseau, révélé par Picasso et Apollinaire ; mais l’on pourrait citer Aloïse, Séraphine Louis, Louis Vivin, Camille Bombois ou André Bauchant……
La touche de notre L. L. est maladroite, la technique primitive, mais son respect de la topographie est quasiment parfait. Depuis ce chemin caillouteux de Lalanne, l’œil se promène longeant les façades des maisons des mariniers de Longueville, le pont suspendu et sa culée sur la rive droite, dans l’axe de la pile sud du pont, les Capucins, puis le Fort (et le chemin du Tuquet qui les sépare), la tour de Calvin et même trois arcades du cloître de l’abbaye ; arrive ensuite, la tour-clocher dominant les façades des maisons médiévales sur le Lot. La haute silhouette de la toiture du château est immédiatement identifiable, tout comme la maison Dubois, déjà représentée par Gintrac 50 ans plus tôt. Ensuite, la cale, et les lavandières, peintes d’un simple coup de brosse… Enfin, le quai Bourbon, dépourvu d’arbres, dévoilant ainsi les façades de Maubourguet. La lumière dispensée sur Clairac évoque une lumière du matin, quand le soleil de l’est inonde le village qui s’éveille. Au loin, les hauteurs de Seilhade et de Tignagues.
Mais… observons cette carte postale éditée par la veuve Roussannes avant 1900… L. L. ne l’aurait-il pas copiée ?
Il est encore un dernier point mystérieux : les grandes dimensions de la toile. En effet, ces peintres amateurs ne disposaient que rarement d’un atelier dont les dimensions permettent de travailler sur d’aussi grands formats (outre le prix des toiles et des châssis) : où donc L. L. avait-il bien pu travailler ?